Les 386 milliards de dollars de grands projets industriels en cours au Canada : de plus en plus fragiles

Une part croissante de la valeur des grands projets industriels annoncés au Canada – essentiellement dans les secteurs des ressources naturelles – est retardée voire remise en question. Alors que cette part s’établissait à 21% à la fin 2012, elle s’établit à 32% en date de juin 2013.

Cela dit, la situation varie selon les régions de destination des projets ainsi que selon les régions d’origine des investisseurs. Elle varie aussi selon le positionnement du projet dans la chaine de transformation. En effet, la majorité des projets d’extraction (ex.: pétrole, mines) et de transport (ex.: pipelines) continuent d’aller de l’avant selon les budgets et les échéanciers prévus (seulement 29% de leur valeur est à risque) alors que près de la moitié (47%) de la valeur des projets de transformation (ex.: raffineries, fabrication de métaux primaires) sont à risque de non-réalisation, du moins au Canada. Il faudra bien pourtant que ces ressources soient transformées quelque part. Cherchez l’erreur?

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Dans un contexte d’essoufflement du prix des matières premières et de ralentissement de la croissance mondiale, il ne faut pas s’étonner de la baisse dans les nouvelles annonces de mégaprojets industriels privés au Canada en 2013. En effet, à un rythme annualisé, le niveau est le plus bas depuis 2010. De plus, les probabilités de réalisation des projets déjà annoncés dans les délais prévus sont significativement réduites. La situation varie bien sûr selon le cas.

Extraction

Qui aura les reins les plus solides pour aller de l’avant avec les projets d’immobilisation, malgré les prix déprimés des matières premières? Assurément, ce seront les sociétés internationales intégrées en aval et les grandes sociétés d’État étrangères, même si elles doivent en payer le prix. L’occasion est rêvée pour éliminer les nouveaux concurrents aux capacités financières plus limitées. Cela vaut tant pour les hydrocarbures que pour les minéraux tels que le fer.

Transformation

Le projet canadien de transformation locale des ressources naturelles risque encore de n’être qu’un rêve, s’il n’en tient qu’à plusieurs investisseurs. Le mouvement de nationalisme des ressources naturelles manifesté par certaines administrations publiques depuis quelques années connait moins de vigueur en ces temps d’incertitude croissante. Près de la moitié des projets (en valeur) est en fait compromise, qu’il s’agisse de transformation de produits pétroliers ou de minerais. Cela dit, l’excédent énergétique canadien – une anomalie dans les pays industrialisés – finira bien par trouver de nouveaux débouchés, dans les secteurs de ressources naturelles ou dans d’autres secteurs industriels. L’émergence des projets de grands centres de données en est un premier signe, alors que les projets de ressources naturelles constituaient depuis 2005 la totalité des mégaprojets industriels au Canada.

Transport

La soif asiatique (Inde, Chine, Japon) pour l’énergie semble inextinguible et les projets de terminaux de gaz naturel liquéfié sur la côte Pacifique canadienne (36 milliards $) progressent, insensibles à la conjoncture. Les projets de pipelines, apparemment favorisés par l’inacceptabilité croissante du transport par rail dans les conditions actuelles, ne parviendront cependant pas tous à la ligne d’arrivée. Au fur et à mesure que les projets cheminent se révèle la complexité de leur déploiement. La multiplicité des administrations concernées (fédérale, provinciales, autochtones et même municipales) et des champs de juridictions (énergie, ressources naturelles, transport, environnement), promettent ainsi des retards significatifs, voire des remises aux calendes grecques. On se souviendra ici des projets de gazoducs Foothill Pipelines et du delta de la MacKenzie.

Alors que l’économie mondiale devait avoir renoué en 2012-13 avec une croissance rapide selon les prévisions post-2008, le retour prochain à une croissance mondiale rapide est hors de question. Les abandons de projets ont été l’exception jusqu’ici (5 % de la valeur des projets en cours depuis le début 2013), mais leur augmentation semble inévitable dans les mois à venir.

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