Pandémie et Ukraine : Qu’est-ce qui a changé dans l’investissement industriel au Canada?

L’examen des annonces de grands projets industriels au Canada pendant la période 2020–2021 par rapport à l’année qui a précédé la pandémie fournit un éclairage sur les tendances qui se dessinent. Qu’est-ce qui a changé? Qu’est-ce qui demeure, malgré tout? Bilan et perspective en quatre constats.

1- Investissement industriel refoulé

En 2020–2021, les annonces de nouveaux investissements industriels au Canada1 sont inférieures de 40% par rapport au niveau prépandémique (2019). En fait, cette situation semble similaire à la situation ailleurs dans le monde2. La demande refoulée (pent-up demand) au début de la pandémie s’exprime enfin, telle que reflétée par une reprise économique (PIB réel) qui s’est manifestée de façon quasi-continue dès le 3e trimestre 2020, avec un dépassement du niveau prépandémique au 4e trimestre 20213. Cependant, cette demande n’est pas suivie par une augmentation correspondante de l’offre, à cause des incertitudes exacerbées qui obscurcissent la planification des projets d’immobilisation. Ces facteurs de risque comprennent la situation sanitaire, le dérèglement des chaînes d’approvisionnement, les remises en cause géopolitiques, l’évolution de l’écofiscalité, sans oublier l’instabilité monétaire à laquelle ce refoulement de l’investissement contribue par ailleurs.

2- La décarbonation compose désormais la moitié de l’activité de l’investissement

Les projets industriels liés à la décarbonation sont en voie de devenir dominants au Canada. Qu’il s’agisse de projets de production d’énergie non fossile ou bien de produits présentant un niveau de décarbonation plus ou moins avancé (ex. : véhicules électriques ou hybrides, ainsi que leurs intrants), les grands projets dans ces domaines représentent 50 % des grands projets4 en 2020–2021, alors qu’ils représentaient moins de 40 % des projets en 2019.

Même si l’Ouest canadien5 est souvent associé aux projets d’hydrocarbures, c’est aussi dans cette région que l’on constate l’activité la plus forte dans les investissements liés à la décarbonation. Ainsi, dans le secteur énergétique, les deux tiers des projets (en valeur) de production d’énergie décarbonée sont localisés dans l’Ouest canadien.

Annonces de grands projets industriels au Canada – 2019–2021
 
Annonces de grands projets industriels au Canada - 2019-2021

Source : E&B DATA. Capex-en-ligne.

Notes:

  • Décarbonation: Ex.: Production d’énergie renouvelable, Véhicules électriques, Matières premières associées.
  • Hydrocarbures: Ex. : Extraction et transformation d’hydrocarbures.
  • Autres: Ex. : Autres projets industriels, Autres matières premières non liées à la décarbonation et aux hydrocarbures.

3- Émergence des mégaprojets industriels en mobilité durable

L’émergence de très grands projets (1 MM$ et plus) liés à la mobilité durable coïncide avec la pandémie. Aux projets d’assemblage automobile (électriques et hybrides) se rajoutent les projets des matières premières associées (ex. : nickel, lithium, cobalt) et certains projets reliés au stockage de l’énergie. L’Ontario domine de loin l’activité d’investissement avec plus de 4 MM$ en 2020–2021 pour des grands projets en assemblage automobile lié à la mobilité durable6, auxquels se rajoute l’annonce toute récente de LG Energy Solution et Stellantis pour la fabrication de batteries pour véhicules électriques à Windsor (5 MM$)7.

4- Impact de la guerre en Ukraine pour les capacités industrielles canadiennes? Accélération de tendance

Point d’inflexion pour plusieurs économies nationales (ex. : pays d’Europe centrale), la crise actuelle est plutôt un accélérateur de tendance pour le Canada, puisque sa position de fournisseur stratégique sécuritaire se réaffirme déjà depuis quelques années8. À titre de producteur diversifié d’énergie et de matières premières, le Canada est particulièrement bien positionné pour profiter : a) du contexte mondial de hausse des prix des matières premières, et b) de la fin de la libre-circulation des produits énergétiques et de matières premières (ex. : métaux et minéraux, denrées alimentaires) provenant de Russie, tout ou moins pour l’avenir prévisible. Il ne serait pas étonnant que le Canada connaisse prochainement une accélération de l’activité d’investissement dans ces secteurs.

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[1] Source : E&B DATA. Projets industriels de 100 M$ et plus annoncés entre janvier 2019 et décembre 2021. n=187. Leur valeur totale dépasse $100 MM.
[2] À titre de comparaison à l’échelle mondiale, l’activité d’investissement transfrontalier dans de nouvelles opérations restait inférieure de quelque 40 %, en 2020–2021 comparativement à 2019, en termes d’annonces de nouveaux projets (Global Investment Trends Monitor, No 40).Consulté le 4 avril 2022
[3] Source : Statistique Canada.Consulté le 4 avril 2022
[4] Voir note 1. Seuls les projets de 100 M$ et plus sont pris en compte dans cette analyse.
[5] Provinces des Prairies, Colombie-Britannique et Territoires nordiques.
[6] Par exemple, le projet de Ford à Oakville ($ 1,8 MM) en 2020 comprenant l’installation d’une ligne d’assemblage de batteries, ou encore le projet de 1 MM$ de CAMI Automotive, pour la conversion de l’usine afin de produire des fourgons de livraison électriques. Ou encore de multiples annonces en 20-21 dans les usines de General Motors à Oshawa ou de Fiat Chrysler à Windsor.
[7] Source : «Stellantis, LG announce $5.1-billion EV battery plant in Windsor, Ont.» Globe&Mail, 23 mars 2022. Consulté le 4 avril 2022.
[8] À titre d’exemple, le Canada–U.S. Joint Action Plan on Critical Minerals Collaboration annoncé en janvier 2020.

 

Le Prospecteur

La publication mensuelle « Le Prospecteur » dresse le portrait d’un créneau industriel novateur présentant une occasion d’affaires et d’investissement au Canada.


 

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