Surcoûts apparents dans la construction industrielle au Québec: est-ce vraiment le cas ?
Les sources publiques et privées convergent: il n’existe pas de surcoût dans la construction industrielle au Québec comparativement au reste du Canada. – Selon l’Indice des prix de la construction non résidentielle de Statistique Canada, les coûts de construction de bâtiments industriels à Montréal sont actuellement inférieurs de près de 9% à la moyenne des métropoles canadiennes, et de près de 25% si on compare aux villes de l’Ouest1.
– Selon les données de RS Means, estimateurs opérant à l’échelle nord-américaine, les coûts de construction industrielle au Québec sont comparables (écart de l’ordre de 2%) à ceux de la moyenne des provinces canadiennes2.
Les tendances n’indiquent pas non plus d’emballement des coûts du côté québécois. – En termes de croissance des prix de construction de bâtiments industriels, Montréal a connu une croissance plus faible que la moyenne des métropoles canadiennes sur la période 2000-2013 (taux de croissance annuel moyen de 3,4% pour Montréal, comparativement à 4,1% pour la moyenne canadienne)3. – En termes de coûts de main-d’œuvre, le Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal a démontré que grâce à une productivité du travail plus élevée dans l’industrie de la construction au Québec par rapport au reste du Canada, ainsi qu’à des pressions salariales moins fortes au Québec, les coûts unitaires de main-d’œuvre n’ont augmenté que de 1,7% par an depuis 2000, contrairement à 3,5% pour le reste du Canada4.
À quoi alors attribuer la perception d’un surcoût au Québec, notamment dans le secteur industriel ? Peut-être à la rareté croissante des terrains (en particulier de propriété publique) destinés au développement industriel dans la région de Montréal, et à l’avantage que cela confère aux propriétaires privés des terrains disponibles. La propriété privée de terrains destinés au développement industriel a parfois comme conséquence de faire grimper les prix des terrains ou d’imposer un choix de constructeur. Dans ces conditions, on comprend que certains investisseurs peuvent effectivement trouver les coûts excessifs. On rend ainsi le développement plus onéreux et on prive également les administrations publiques locales d’outils de contrôle sur le développement de leur région. Ce phénomène n’est toutefois pas propre à la région de Montréal (et existe sans doute ailleurs au Canada), mais contribue certainement à entretenir la perception de surcoût à l’égard du Québec.
Et faut-il rappeler que, réalité ou pas, cette perception négative est nuisible au développement industriel au Québec, dans un contexte où les coûts de construction demeurent parmi les tout premiers facteurs de localisation5.
[1] Statistique Canada, Tableau 327-0043, 2013. L’Indice inclut les coûts de matériaux, de la main-d’œuvre, de l’équipement, les taxes provinciales et les frais généraux ainsi que les bénéfices des entrepreneurs. Ils excluent les coûts de terrain et les commissions immobilières. Pour la construction de bâtiments industriels seulement. [2] RS Means, 2013. Correspond au coût en $/pied carré de construction d’une usine d’un étage (30 000 pieds carrés de superficie). [3] Voir note 1. [4] Deslauriers, J. et R. Gagné, 2012. « La performance économique de l’industrie de la construction au Québec ». Centre sur la productivité et la prospérité, École des Hautes Études Commerciale (HEC) Montréal. En termes réels. Sur la période 2000-2011. [5] Selon le sondage annuel d’Area Development portant sur les facteurs de localisation, les coûts de construction ou de location arrivent au 4e rang des éléments les plus importants à considérer dans le choix de l’emplacement d’une nouvelle implantation industrielle. Source: Area Development Online, Figure 32 “Combined Ratings – Site Selection Factors”, 28th Annual Corporate Survey, mai 2014.