Pétrole versus véhicules électriques : le rapport des forces s’inverse … et la première victime sera le pétrole canadien
Deux tendances convergent : d’une part, l’accélération mondiale des projets d’immobilisation pour la production de véhicules électriques/hybrides et d’autre part, le freinage des nouveaux projets d’exploitation pétroliers au Canada bien qu’au 3e rang mondial en termes de réserves pétrolières1.
D’ici 20 ans, près de la moitié du parc de véhicules mondial sera électrique/hybride
Près de 40% de la valeur des projets d’investissement annoncés dans le secteur automobile au niveau mondial concerne le véhicule électrique/hybride2, alors que la part du véhicule électrique/hybride dans la flotte mondiale d’automobiles est actuellement inférieure à 3%3. Cette reconfiguration des capacités de production se traduira inévitablement par des changements correspondants dans la composition du parc mondial de véhicules. Un simple calcul basé sur l’échéancier de réalisation des projets (jusqu’à 4 ans) et sur la durée de vie des automobiles (de 10 à 15 ans) suggère que la composition de la flotte mondiale pourrait basculer vers le véhicule électrique dans un horizon de 15 à 20 ans, avec un impact sensible sur la consommation mondiale de pétrole, puisque 45% de la production mondiale de pétrole est destinée aux véhicules automobiles4.
Le désinvestissement pétrolier mondial a déjà commencé au Canada
Des 400 milliards $ de mégaprojets d’investissement dans les hydrocarbures qui avaient été annoncés au cours de la présente décennie au Canada, il y en a seulement un quart qui semble cheminer sans trop d’encombres vers leur réalisation5. Pour les autres projets (environ 300 milliards $), les difficultés se multiplient, qu’il s’agisse d’opposition environnementale (tant pour l’extraction que pour la construction de pipelines) ou d’une viabilité financière de plus en plus incertaine.
Le délaissement des nouveaux projets au Canada s’explique aisément quand on compare la production canadienne à celle des États-Unis, maintenant le plus grand producteur mondial de pétrole et liquides dérivés6. En effet, la production canadienne – largement fondée sur l’extraction non conventionnelle (sables bitumineux, exploitation offshore) – requiert généralement des investissements initiaux massifs, contrairement à l’exploitation des pétroles de schiste aux États-Unis.
La fin des véhicules à essence – Pas si vite !
Cela dit, il est loin d’être assuré que cette poussée des véhicules électriques ira jusqu’au point d’éliminer les véhicules à essence, tout au moins dans des pays tels que le Canada, avec ses conditions climatiques particulières (perte de charge accélérée par temps froid) et la dispersion de sa population sur des distances extrêmes. Dans ce contexte et avec les limites des technologies électriques/hybrides actuelles, les moteurs conventionnels seront encore en demande, qu’ils soient alimentés par de l’essence ou en mélange avec des biocarburants.
Les investisseurs pétroliers demeureront actifs et se réfugieront assurément vers les réserves dont la mise en valeur est la moins coûteuse et qui sont situées dans les pays dont la réglementation environnementale est complaisante7. À ces égards, le Canada n’est plus dans la course pour l’exploitation pétrolière. Le sera-t-il pour les véhicules électriques/hybrides ? Jusqu’ici, les investissements qui y sont annoncés sont très limités8 et ne laissent anticiper aucune compensation pour l’érosion de sa capacité de production de véhicules automobiles conventionnels9.