Post COVID-19 : vers des scénarios de reprise économique

Malgré le caractère inusité du choc économique actuel et le climat d’incertitude qui continue de prévaloir, on peut néanmoins déjà tracer les grands axes des scénarios de reprise économique, scénarios selon lesquels des stratégies de redressement pourront être modulées. Dans le contexte d’économies diversifiées et ouvertes telles que celle du Canada et du Québec en particulier, on peut distinguer au moins deux axes à ces scénarios:

  • L’axe du commerce international, qu’il s’agisse de changements quant à son niveau et à la direction des flux internationaux. Beaucoup d’entreprises se rendent compte désormais a) de la possibilité de situations ruineuses associées à l’optimisation internationale de leurs chaînes d’approvisionnement et donc, b) de la nécessité de la reconfiguration de ces chaînes (ex. : diversification géographique et commerciale). Pour leur part, les États redécouvrent les notions d’industries essentielles et stratégiques ainsi que les vertus de la production nationale (ou tout au moins de réserves stratégiques suffisantes). Même si la crise sanitaire ne se révèle être que de courte durée, il est possible qu’elle suscite le développement de politiques autarciques qui persisteront par la suite, s’inscrivant dans un mouvement général de protectionnisme déjà bien enclenché (aux États-Unis notamment). À l’inverse, un regain de coopération internationale n’est pourtant pas complètement impensable avec l’éventualité d’un changement de leadership aux États-Unis au cours des prochains mois1. Bref, les tendances en termes de commerce international auront un impact marquant sur la nature de la reprise économique.
  • L’axe temporel, soit la rapidité de la reprise et le caractère temporaire ou durable des chocs ressentis sur les différents secteurs économiques. À cet égard, les anticipations des économistes divergent, allant de l’évocation de reprise rapide (en « V ») jusqu’à un effondrement sans reprise en vue2. Même si un premier pic de la contagion semble déjà apparaitre dans la plupart des pays occidentaux (au moment de la rédaction de ces lignes), la durée et l’ampleur des chocs qui vont se manifester sur les plans économiques, financiers et fiscaux sont encore inconnues et particulièrement difficiles à prévoir. La crise sanitaire peut en effet contribuer à déstructurer davantage des secteurs d’activité qui étaient déjà relativement fragiles avant celle-ci (ex. : secteur du pétrole bitumineux et offshore, assemblage automobile).

Les scénarios qui résultent de cette grille d’analyse, vont donc d’un scénario jovialiste (reprise rapide dans un contexte de collaboration internationale accrue) à un scénario orageux (reprise lente sans collaboration internationale) en passant par des scénarios intermédiaires. Posée ainsi, cette typologie de scénarios peut structurer la planification de relance économique par le rappel de circonstances historiques3 présentant des similarités avec l’un ou l’autre de ces scénarios. L’analyse de la réponse publique qui fut alors faite lors de ces circonstances peut inspirer l’intervention économique dans la situation courante.

Dans le contexte d’incertitude qui demeure sur les effets de la crise sanitaire sur les plans économiques, financiers et fiscaux, E&B DATA estime préférable de se préparer au scénario combinant d’une part, une reprise lente (jusqu’à trois ans) ou en «dents de scie», et d’autre part, des restrictions accrues sur les mouvements internationaux (marchandises, personnes) dans un contexte de fortes disparités entre les nations (variations entre les niveaux de réponse des autorités publiques, d’urgence sanitaire, de cadences de reprise).

Dans une situation d’incertitude et d’enjeux vitaux, la seule position rationnelle est de prévoir le scénario le pire… et de se préparer à le mitiger.

(Suite au prochain numéro)

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[1] L’Union européenne brille pour l’instant par son absence de leadership, et par son incapacité de compléter son intégration. Les tentatives récentes de mutualisation européenne des dettes nationales pour financer à des taux réduits les nouveaux déficits attribuables à la crise actuelle (« Coronabonds ») sont cependant mal engagées, avec la résistance coutumière et apparemment inébranlable des pays d’Europe du Nord.
[2] “The contraction that is now underway looks to be neither V- nor U- nor L-shaped (a sharp downturn followed by stagnation). Rather, it looks like an I: a vertical line representing financial markets and the real economy plummeting.” A Greater Recession- N. Roubini.
[3] L’analyse peut se faire en termes nationaux et macro-économiques ou encore en termes sectoriels. En termes nationaux, on peut évoquer les chocs macro-économiques sur la demande (ex. : crise de 2008-2009), sur l’offre (ex. : embargos pétroliers de 1973 et de 1979) ou à la fois sur l’offre et la demande (ex. : grippe espagnole de 1918-19, Plan Marshall de 1948). En termes sectoriels, on peut évoquer les crises qui ont frappé par exemple l’industrie canadienne des produits forestiers, et les voies de solution qui y ont été apportées.

 

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La publication mensuelle « Le Prospecteur » dresse le portrait d’un créneau industriel novateur présentant une occasion d’affaires et d’investissement au Canada.


 

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