88 milliards $ de projets publics
pour stimuler l’économie : le vent dans les voiles ?

Stimuler une économie (par exemple par le biais du Plan québécois des infrastructures1) ne veut pas nécessairement dire structurer une économie. Si l’on veut que les programmes d’infrastructures aient des résultats durables, cela ne se produira pas par les seules forces du marché.

La stimulation via les dépenses d’infrastructures est une des dernières cartouches des États pour relancer les économies nationales. Et dans un contexte de taux d’intérêt à long terme aux plus bas2, le moment est particulièrement approprié. Cependant, au-delà des effets immédiats résultant de la dépense initiale, et sans intervention complémentaire de l’État, l’effet structurant sera limité, et l’économie, soutenue momentanément, retombera.

Effets structurants

Il s’agit des effets positifs et durables sur la structure de l’économie, résultant de la mise en place d’infrastructures productives (ex. : transport, énergie) et du développement de compétences associées à ces réalisations, compétences pouvant être mises à profit par la suite pour exploiter d’autres opportunités. Ainsi, il y a une génération, au cours des années 1970 et 1980, les développements hydro-électriques au Québec ont permis l’essor d’une capacité de production énergétique rentable ainsi qu’une exceptionnelle percée du génie-conseil québécois à l’international. D’où pourraient provenir de tels effets structurants pour la prochaine génération ? Et comment pourrait-on maximiser leur impact ?

Stimuler et structurer : des occasions à saisir

Les dépenses d’infrastructures massives prévues représentent une occasion :

  • de profiter des nouvelles possibilités offertes par le numérique, qu’il s’agisse de transport, de santé ou d’éducation. Dans le transport, les systèmes de transport intelligent, en rendant le transport plus fluide, permettent ainsi de réduire les coûts de congestion du réseau routier, coûts qui se situent entre un et deux milliards $ par année.3 Les systèmes ainsi développés peuvent fournir aux fournisseurs locaux des modèles/vitrines de démonstration pour la vente de leurs produits et services innovants à l’étranger ;
  • d’optimiser à la fois l’occupation du territoire et les valeurs foncières (notamment dans les villes4) pour un développement plus soutenable sur les plans de l’environnement et des finances publiques ;
  • de repenser les modes d’attribution de contrats (ex. : ententes à long terme, lots, ouvertures à l’innovation), dont on sous-estime généralement le potentiel de structuration d’un bassin local diversifié de fournisseurs compétents. Des ententes bien conçues peuvent inciter les fournisseurs à développer de nouvelles expertises, améliorant de ce fait leur compétitivité ;
  • de permettre la participation de grands investisseurs institutionnels5 dont l’horizon de long terme correspond à la durée de vie des infrastructures et qui sont donc éminemment soucieux a) de la qualité des ouvrages dans la durée, et b) de la performance des économies locales puisque le rendement de leurs placements y est associé.

Ces interventions nécessitent peu d’investissement supplémentaire et sont sources de croissance et d’économies tant sur le coût des ouvrages (durée de vie des infrastructures, réduction des dépenses d’entretien) que sur celui de leur financement. Elles requièrent cependant l’intégration soigneuse et progressive de ces projets d’infrastructure dans une vision économique partagée qui dépasse la vue à court et moyen terme du cadre technique et comptable actuel. Il n’y a pas d’indication que cette vision soit véritablement en place.

Précipitation… et risque d’orage

Le déploiement du Plan Nord 1.0 a été caractérisé par sa précipitation. Quelques années après, et face à une croissance économique qui demeure éloignée de son potentiel, l’État pourrait encore une fois décider d’appuyer soudain sur l’accélérateur et de lancer plusieurs grands projets de façon prématurée (ex. : projets lancés sans ingénierie détaillée) en resserrant excessivement les échéanciers. Résultats probables : dépassements de coûts, et occasions ratées de restructurer l’économie québécoise.

Évitera-t-on ces erreurs dans le déploiement des programmes d’infrastructures ? Il serait malheureux que ces dépenses n’aient d’autre impact économique que ceux associés aux chantiers de construction.

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[1] Au Plan québécois des infrastructures (88,7 milliards $ prévus entre 2016 et 2026) s’ajoutent les investissements des paliers municipal et fédéral (ex. : nouveau pont Champlain). En moyenne dans les dix dernières années, les dépenses publiques totales en immobilisations atteignent 16 milliards $ par année au Québec (source : Statistique Canada, tableau CANSIM 029-0048).
[2] Inférieurs à 2% pour les rendements d’obligations types du gouvernement canadien à long terme (Source : Banque du Canada).
[3] Les coûts annuels de la congestion dans la région de Montréal varient selon les estimés, entre 700 millions $ et 1,9 milliards $ (voir Groupe de travail sur les transports urbains, Conseil des ministres responsables des transports et de la sécurité routière, Le coût élevé de la congestion dans les villes canadiennes, 2012; ADEC, Les coûts élevés de la congestion routière dans la région de Montréal pour les conditions de référence de 2008, 2014).
[4] Exemple : augmentation de valeur foncière des actifs immobiliers situés à proximité des nouvelles infrastructures de transport.
[5] La participation directe des grands investisseurs institutionnels (notamment les fonds de pension et les fonds souverains) est une avenue de plus en plus considérée au niveau international aussi bien que national. Cette participation permet également de repenser la structuration du financement de ces infrastructures tel qu’illustré par la proposition de banque canadienne de développement de l’infrastructure du Conseil consultatif en matière de croissance économique, incluse dans son premier rapport publié le 20 octobre 2016.

 

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