La relocalisation comme signe de redressement industriel

Le mouvement est lancé. Le offshoring commence à faire place au reshoring. Dans certains secteurs industriels dont la production (ex. : produits semi-finis) avait été largement délocalisée, les entreprises se ravisent :

  • Les écarts de coûts s’amenuisent (réduction des écarts salariaux combinée à la réduction du coût de main-d’œuvre dans les coûts de production) au profit des producteurs canadiens1;
  • La prise en compte du coût total de possession (total cost of ownership2) permet des choix plus avisés dans les décisions relatives à l’approvisionnement des entreprises. Plusieurs décisions de délocalisations n’avaient ainsi pris compte que des économies de coûts directs, en sous-estimant les coûts indirects, surtout ceux provenant de facteurs dont la comptabilisation est moins aisée (ex. : enjeux de propriété intellectuelle);
  • Les producteurs canadiens parviennent à différencier leur gamme de produits3 et à les rendre ainsi moins sensibles aux écarts de prix et aux variations de taux de change.

Bref, les raisons justifiant les délocalisations sont devenues moins convaincantes et la substitution d’importation, désormais envisageable.

Plus de 90 projets d’immobilisation récents, surtout dans les filières industrielles

Le processus de reshoring qu’on peut observer de façon anecdotique est cependant difficile à mesurer. À défaut de mesure concluante, une reprise de l’investissement au Canada dans un secteur faisant l’objet d’importation massive constitue un indice que les facteurs de production redeviennent favorables. Ces augmentations de capacité peuvent être observées notamment dans les produits industriels4 :

  • La machinerie, par exemple, pour le travail des métaux et minéraux, des produits plastiques ou encore des produits agricoles;
  • L’instrumentation, par exemple les instruments d’analyse et de mesure destinés au secteur biomédical;
  • Les matériaux de construction, qu’il s’agisse de structures métalliques, de produits de verre ou de systèmes de climatisation;
  • Les produits électriques, et plus particulièrement les composants de stockage d’électricité;
  • Les produits industriels métalliques semi-finis, tels que les fils et câbles ou encore la robinetterie industrielle.

Au total, plus de 90 projets d’immobilisation dans ces secteurs ont été annoncés au Canada depuis le début de 2017, pour une valeur de près de 1 milliard $5.

Le reshoring de quoi au juste ?

Le concept de reshoring, séduisant par sa simplicité, demeure plutôt ambigu, car il ne tient pas compte de l’évolution des produits entre la période de leur délocalisation (offshoring) et la période de leur « rapatriement » (reshoring), évolution qui altère même la nature des produits. Ainsi, si le Canada rapatrie la fabrication de certains produits, il ne s’agit pas pour autant de produits identiques à ceux qui avaient été délocalisés : entre le mouvement massif de offshoring du début des années 2000 et le reshoring plus récent, les produits ont évolué, reflétant un contexte qui a radicalement changé.

Des produits en profonde transformation

Entre autres facteurs qui sont de plus en plus présents dans la conception des produits :

  • La numérisation (ex. : intégration de systèmes électroniques, de capteurs),
  • La transition énergétique (efficacité énergétique, sources d’énergie alternatives),
  • L’utilisation de matériaux avancés (ex.: nouveaux alliages, bois d’ingénierie, matériaux en remplacement des matériaux pétrosourcés),
  • Les plus grandes capacités de fabrication sur mesure (personnalisation du produit),
  • Les exigences croissantes de la « recyclabilité ».

L’intégration de ces facteurs dans la conception de produits innovants fournit l’occasion à des entreprises établies au Canada d’innover en se positionnant dans des marchés jusqu’ici hors d’atteinte et ainsi d’émerger dans des marchés d’où ils étaient absents jusqu’à récemment. On constate cette différentiation dans des produits pourtant aussi basiques que des matériaux de construction (ex. : pièces structurelles) ou des produits métalliques (ex. : tubes). Le concept de reshoring se noie donc dans un phénomène de profond renouvellement dans la conception des produits.

Le reshoring n’est pas qu’une nouvelle illustration des éternelles reconfigurations du commerce international entre régions productrices. Ce mouvement témoigne aussi de la capacité de redressement industriel dans les nations aux coûts élevés. Manifestement, la compétitivité des entreprises nationales passe aussi par la différenciation des produits et pas nécessairement par des coûts toujours plus bas.

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[1] Voir « L’industrie légère : le nouveau poids lourd de l’économie québécoise ?» E&B DATA – 2016.
[2] La Reshoring Initiative lancée en 2010 aux États-Unis a notamment travaillé sur la formulation de ce concept et son application aux décisions d’approvisionnement.
[3] La différentiation passe par exemple par l’ajout de fonctionnalités, ou encore par une performance supérieure à celle des produits concurrents.
[4] En effet, bien peu de produits de consommation font l’objet d’un tel mouvement, sauf exception, par exemple les produits alimentaires de spécialité (ex. : confiserie, boissons alcoolisées).
[5] Les produits ont été identifiés par une analyse basée sur a) la présence d’un marché de consommation dynamique au Canada (évaluée notamment par le niveau et la vigueur des importations canadiennes), b) l’activité d’investissement récent d’entreprises au Canada. Sources : Statistique Canada, E&B DATA.

 

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